Depeche Mode – Memento Mori – Review

Pour passer la barre des 50 piges, je viens de m’écouter l’album en entier. J’en fait une vidéo pour ma chaîne et ça n’intéressera que mes 5 copains hardcore fan de DM, mais spoiler alert pour tous les autres, c’est un chef d’œuvre.

Aucun groupe, après plus de 40 ans d’existence ne propose de se renouveler comme DM a – encore – su le faire. Alors, c’est sûr que c’est pas fait pour danser dans un bal, c’est pas fait pour écouter un soir d’envie de se foutre en l’air, c’est pas fait pour bouger la tête comme les clébards à l’arrière des bagnoles.


Noir, c’est noir chantait l’autre et là non plus, il n’y a pas d’espoir. Désormais plus que deux, Gahan et Gore livrent un album splendide d’inventivité, de retournements de situations, de tensions, un album, pour le coup, plein de vie, mais plein de vie comme un sursaut avant le coup de faux. Pas un morceau n’est ici fait pour remplir une piste, c’est évidemment exigeant et ça demande des réécoutes successives. Mais clairement, on est dans le sublime. Et je pèse le mot. Est-ce que l’addition de Richard Butler, venu co signé 4 titres avec Gore est aussi un symbole de cette réussite ?
En tout cas, Jamais le noir n’a été aussi jouissif à écouter.
Ils se sont réinventés, auto cités, ont convoqué autant Cure que Joy Division ou Bowie. Le concert en juillet va être une GRANDE messe noire. Quel bonheur.

Et quel risque de commencer par « My Cosmos is mine », hanté par une ambiance et des synthés venus tout droit des enfers. Le titre répété à l’infini est comme une incantation totalement hypnotique. « Wagging tongue » qui enchaine derrière est un hit en puissance, une des rares collab entre les deux têtes pensantes de DM. Dans le « Watch another angel die », on ne peut s’empêcher de penser à Fletch, qui n’en branlait pas une au synthé, mais qui était clairement le ciment du groupe. Et malgré tout, les deux derniers, les voilà à devoir communiquer de nouveau et produire un album de toute beauté à laquelle « Wagging tongue » est une pierre angulaire.

« Ghosts again » sorti il y a quelques semaines nous a donné des indices sur ce qui nous attendait, comme un retour aux sources, presque une pop mélodique mais qui masque à peine une grande mélancolie. Gahan chante de mieux en mieux et sur les morceaux de leur dernière galette, il montre l’étendue de sa palette. En tout cas, ce morceau-là, après 300 écoutes, il rentre dans les tous meilleurs singles qu’ils ont sortis ces 20 dernières années. « Don’t say you love me » est prenant aux tripes avec ses allures de ballade bluesaille qui se révèle beaucoup plus vicieuse que ça. Et quelle montée en puissance tout du long. On aurait pu croire qu’il débarquerait tout droit de « Delta Machine » et sur le pont, la guitare tout en souplesse de Gore se marie merveilleusement avec les arrangements des cordes. Les quatre dernières lignes sont simplement les plus belles de l’album.

« You’ll be the killer
I’ll be the corpse
You’ll be the laughter
And I’ll be the punchline, of course »

Avec « My favorite stranger », c’est la première incursion dans la cold wave de l’album, à la fois complètement électronique et qui file à la vitesse d’un « A question of time » dont la ligne d’arrivée est fatale dans le mur. La chanson est menaçante et la ligne de basse, implacable. Peut-être que « Soul with me », sorte d’easy-listening à la Jay-Jay Johanson, peut sembler un peu décalé à l’ensemble, mais sa naïveté n’est que de façade. Et la voix de Gore est impeccable et lui seul peut chanter ces sortes de dissonances dont il trouve toujours une résolution en fin de syllabe. « Caroline’s monkey » commence avec une voix de Gahan presque nue et monte en puissance tout du long avec beaucoup de sons et des synthés très étonnant, tout autant que les paroles. Encore une fois, le blues n’est pas loin. Et d’un coup d’un seul, le refrain casse la tension et nous emmène sur une autre piste avec une autocitation « Sometimes », tout droit sortie de « Black Celebration ». Morceau qui pourrait être le ventre mou de l’album sans être dénué d’intérêt, parlant du fameux singe qui mange le cerveau, cher à Bukowski ou Burroughs, je ne sais plus.

« Before we drown », nouveau morceau de Gahan, qui n’en a pas toujours écrit de bon, mais là, cette ballade fait vraiment bien le taff, sans être à la hauteur de « Should be higher ». La fin du morceau est vraiment très entraînante et les incantations, arabesques vocales de Gore sont superbes. Pour « People are good », c’est comme si Gore avait voulu refaire ce « People are people » avec ce qu’il faut d’humour. C’est étonnant, c’est assez direct et les fans casuals du groupe se laisseront prendre par le beat et un refrain qui donne une grande respiration à l’ensemble.

« Always you » trompe tout le monde. On se croirait revenu à « Some great reward » encore, mais avec une ligne mélodique superbe et une production aussi maitrisée. La voix de Gahan se permet beaucoup d’élasticité, des pièges auxquels on ne s’attend pas et vous saisit. C’est un des très très bons morceaux de l’album qui joue avec l’écoute et remplit de ces petits détails qu’on aime quand on aime ce groupe. Réécouter 500 fois le même album, un détail vous attendra à chaque écoute. « Nerver let me go » est une PEPITE qui fait appel à Cure et encore à Joy Division avec une vraie jouissance. La guitare fuzz fait un travail génial et se mélange parfaitement avec l’environnement électro. Dans la batterie, on entend comme un coup d’aérosol, une référence à « Isolation » de Joy Division. Les deux voix de Gahan et Gore dans le pont sont d’une superbe puissance. Un fabuleux morceau qui tient ses promesses jusqu’au bout et un single à venir

« Speak to me », c’est le générique de fin d’un film de Fincher, d’une intensité rare. Toute la vie défile devant les yeux et les détails sont nombreux, des décrochages qui font craindre le pire, la mort, qui, inéluctablement, parvient à la fin avec son beat et ses bottes pour siffler la fin de la récré. Morceau phénoménal qui crée des fausses pistes et les arrangements sont en or massif.

« Memento Mori » vient se classer directement dans les très bons albums de DM, tutoyant un « Ultra » ou « Playing The Angel », revendiquant un peu plus son blues mélancolique dans la lignée de « Delta Machine ». On ne sort pas indemne de l’écoute d’un tel album.

Et c’est bien pour ça qu’on est appelé à l’écouter de nouveau, encore. Et encore.


Pour voir mes réactions en live à la première écoute de l’album, c’est ici.

Auteur : Lilian Lloyd

Auteur, metteur en scène, scénariste, comédien, compositeur pas encore mort (1973-2000 et des poussières)

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