… Sans un bruit. Du moins, je dirais, pas tout à fait comme il a vécu.
Il faut l’avoir connu pour comprendre. Jean, c’était un cow-boy planté dans les années 70. Chapeau, cheveux longs, ceinturon, des bottes qui vont avec, trois montres à chaque poignet, des bagues et le bagou. Chez Jean, tout était démesuré. Il avait été cuistot, marié trois ou quatre fois, proxénète, ne payait qu’en cash, déposa ses armes à feu le lendemain de la mort de Mesrine sur le comptoir d’un commissariat en lançant un « c’est bon, j’arrête » à un flic médusé.
Qu’est-ce qui était vrai, qu’est-ce qui était faux ? Je suis assez persuadé qu’il s’est éteint sans bien savoir lui-même toute la vérité à propos de lui. Perdu dans ses fabulations, personne, en dehors de sa carte d’identité ne sait à quel âge il vient de nous quitter. Au fond, qu’importe, Jean aimait les gens. Généreux dans le geste et dans le verbe. Tu parlais pas avec Jean, t’écoutais Jean. Et moi qui me nourrie aux histoires, il en rajoutait tout le temps.
Comme cette fois où on est allé voir Bill Deraime en concert. « Je vais te le présenter, moi, c’est un copain ». Le concert commence au New Morning et Jean part au bar, et tout le long, il paie ses tournées sans écouter un seul morceau. A la fin, il me fait « Viens, on se tire, il a trop changé Bill, j’ai pas envie de le revoir ». Jean.
Bien sûr qu’il avait des démons et l’alcool avait souvent raison de lui, bien plus vite qu’il ne le pensait. Mais tout ce qu’il fabulait à la base était multiplié par deux, alors ça n’en était que plus délectable. Mais tu pouvais pas penser à Jean sans penser à sa Dany, femme brisée des pieds à la tête (mais à l’énergie à déplacer des montagnes), dans son fauteuil roulant, dont il s’est occupé pendant 25 ans. Quel couple. Et Beethov, ce gros clébard qui prenait toute la place dans la bagnole sans permis que Jean pilotait (et qu’il avait acheté cash, hein) comme s’il était au volant d’une Merco.
Jean.
Et puis Beethov a tiré sa révérence et puis Dany. Et puis Jean a commencé à vieillir et la canne pour faire dandy a commencé à l’aider à supporter un peu plus un corps qui avait pas mal bourlingué. Il s’est habillé plus sobrement et le blanc a envahi les cheveux et la barbe. Mais quand tu le croisais, il n’avait jamais rien perdu de sa superbe. Je l’ai croisé tant de fois et tant de fois je ne me suis pas arrêté. Une fois je l’avais fait. Il y avait un peu de magie en moins ou simplement, moi aussi, j’avais vieilli et étais moins enclin à croire aux histoires. Mais Jean quand même.
Et Jean, donc, s’en est allé et le paradis où l’attend sa Dany va vite devenir un sacré bordel avec ces deux-là réunis. Et si je suis bien triste au moment où j’écris ces lignes, c’est bien la seule chose qui me réjouisse.
La famille est réunie, tout va bien.
Bye bye Cow-Boy.

Merci pour lui. pour maman. Je l’ai transmis à son fils.
Merci pour mon pere c’était effectivement un cow boy des temps modernes. Meme s’il a des taches sombres dans son passé, je sais que ces dernières années ont été éclairées par la naissance de mon fils Samuel.
J’ai essayé de lui rendre hommage. À celui que j’ai connu, plus grand que nature. Mes pensées les plus sincères à toi et ta famille pour ce moment de passage. Je crains de ne pouvoir être des vôtres pour lui dire un dernier au revoir, mais c’était ici ma façon de le faire. Avec sincérité. Je l’imagine apaisé aujourd’hui. Plein de courage pour toi. 🙏🏻