Je t’avoue Jean-Pierre,
C’est bien la première que l’évocation de ton nom ne me fait pas plaisir. Et j’aime pas que sur mon fil Twitter tu sois apparu. Parfois, on se dit que c’est pour la promotion d’un film ou d’une belle sortie venant de ta tête bien faite sur le monde dans lequel on vit. J’aurais aimé savoir ce que tu penses du tout ça. Donc, je ne le saurais pas. En revanche, si 2021 a décidé de faire mieux que la précédente, elle a pris un type d’une grande intelligence et un formidable comédien.
On pourrait arguer qu’il a souvent jouer des râleurs, des bougons, ce qu’il semblait être, mais je le cite maladroitement « jouer des gens heureux à qui il arrive des conneries, ça m’emmerde, je préfère l’inverse ». Et puis, bon, Ventura, Gabin, de Funès, ont toujours joué des personnages près d’eux et ça n’a jamais gêné personne. Pour autant, il y avait toujours beaucoup de finesse chez ces personnages qui ne savaient pas sourire. De « Un air de famille » au « Sens de la fête », j’ai toujours vu des Bacri différents. Dans « La vie très privée de Monsieur Sim », il y était stupéfiant. Incroyable.
Je me demande, est-ce qu’on lui a assez dit qu’on l’aimait ?
Il y a des gens qui t’inspirent, lui, avec Agnès Jaoui, ont formé un duo qui m’a donné envie d’écrire. Eux et Durringer m’ont ouvert les yeux sur le théâtre, sur la possibilité de faire parler des gens ordinaires, de regarder les uns et les autres dans les yeux, avec ce qu’il faut d’humanité, d’humour, de distance et d’émotions.
Ma rencontre avec lui était programmée autour de ma pièce « Comme un arbre penché ». Jean-Luc Tardieu, le metteur en scène, avait eu l’idée de lui proposer parce que, quelque part, le personnage était proche de ce qu’il était, en plus maladroit. Tardieu lui passe le texte, lui résume, il en lit quelques pages et lui rend « non merci, c’est trop triste ».
Jean-Pierre, j’aurais tellement aimé que tu vois au-delà de ces premières lignes, oh, non pas pour que tu les joues, Francis Perrin y fut formidable, mais pour que tu vois combien Agnès et toi m’avaient inspiré et ô combien votre manière d’écrire m’a guidé plus d’une fois. Et spécialement dans ce texte-ci. Et un peu tous les autres.
Je me demande, est-ce qu’on lui a assez dit qu’on l’aimait ? Et si on lui avait dit, peut-être aurait-il répondu « c’est gentil, mais j’ai pas le temps ».
De base, janvier, ça craint. Celui-ci un peu plus que les autres. Alors, comment on va faire dans un monde sans Bacri.
Comme il dit dans « Le sens de la fête » : « Qu’est-ce qu’on fait ? On s’adapte ! »
Adieu le bougon au coeur tendre! Décidément cette période est très néfaste au monde des arts et de la culture.
La disparition d’acteurs de grand talent s’enchaîne et l’on ne peut que les pleurer, doucement, discrètement notre chagrin est immense.