2021 ou des poussières

Autant te dire que j’ai longtemps (pour ne pas dire loooooongtemps) tourné autour de ces vœux, que je m’y suis repris une bonne demi-douzaine de fois et que quelque soit l’angle, j’avoue, cette année m’aura dépassé. Je n’ai ni trouvé la force de la résumer – on a, à peu de choses près, vécu la même, enfermés, dans nos foyers, dans nos têtes, dans nos masques – et encore moins le courage d’en rire – d’autres s’en sont très bien chargés. J’ai eu beau retourner le problème sous tous les sens, aucun cœur à venir ici faire ces envolées que j’ai pu écrire par le passé.

Bien sûr que j’aurais pu traiter le type qui a bouffé du pangolin de tous les noms ou les fameuses chauve-souris du nord du Laos, ça aurait changé quoi ? Evidemment qu’il aurait été facile d’épingler tous les adeptes de la raoultologie ou encore les crudivoristes complotistes persuadés d’un grand « reset » dans la population à grandes doses de vaccins boosté aux nano particules explosives. Ou encore clouer au pilori un gouvernement aussi doué pour gérer une crise sanitaire que moi pour changer les couches d’un nourrisson. Et, bien sûr, pointer les incohérences de toutes parts quand on ferme les théâtres et qu’on laisse les gens s’agglutiner dans les grands magasins…

J’aurais pu développer tout ça, vilipender le voisin qui se barre en week-end pendant le confinement, trouver un responsable parce qu’on aime bien ça, trouver un responsable parce que, quand on a les pieds dans la merde, c’est forcément la faute d’un autre. Sachant que dans tout ça, au final, la responsabilité reposera sur bien du monde, de nos désirs d’avoir le dernier smartphone jusqu’à la dernière paire de pompes de chez Nike, en passant par l’évident caprice que de vouloir manger des tomates en janvier.

C’est un tout.

On veut un vélo électrique parce qu’on a une conscience écolo. Ok. Comme le dit Mark Dummett, spécialiste de la responsabilité des entreprises en matière de droits humains à Amnesty International, à propos des conditions de travail des enfants dans la recherche du cobalt pour les fameuses batteries de nos désirs : « Les vitrines des boutiques chics et le marketing des technologies de pointe contrastent vivement avec les enfants ployant sous les sacs de roches et les mineurs s’affairant dans les étroits tunnels qu’ils ont creusés, exposés au risque de contracter des affections pulmonaires permanentes. »

On veut manger du quinoa ultra bio parce qu’on pense aux petits animaux qui souffrent (et c’est un fait aussi, ils souffrent), mais sans penser que le quinoa fait 15000 bornes pour arriver dans nos assiettes – bonjour la taxe carbone de ta petite graine. On veut manger des avocats, parce que c’est bon les avocats dans les poke bowl – et c’est tellement hype le poke bowl – et on oublie facilement qu’ils nécessitent 1 000 litres d’eau pour 1kg. Ah, et by the way, l’eau est devenu depuis un mois, un bien spéculatif sur un marché financier aux USA…

Bref, la liste de nos contradictions est bien trop longue et je fais partie de toutes ces personnes responsables, même si je mets la voiture au point mort dans les descentes parce que je pense que c’est bon pour la planète… Notre quête du toujours plus et plus vite et plus mieux et plus tout court nous mène à ces déforestations, ces fontes des glaciers et tous les petits virus qui pieutaient bien tranquillement, se font une joie de venir se présenter à nous. On peut se croire en sécurité aussi dans nos communautés, mais, au fin fond du 16ème, dans le cœur du 13ème, dans un kibboutz ou sur la place à St Barth, spoilers alert, on est tous sur la même planète qu’on a rendu malade (et qui donc, nous le rend bien)

Et non, les gars, c’était pas une petite grippe.

En tout cas, de l’avoir eu assez tôt m’a permis d’aller donner mon plasma six fois cette année, ce qui constituera une certaine fierté, quand on connaît mon aversion pour les aiguilles et ma capacité d’avoir l’œil droit qui vacille face à la vue du sang. Alors, je ne vais pas te faire l’affront ici de vous parler de « résilience » parce que ce mot a trop été galvaudé et détourné comme tant d’autres. Mais, de mon côté, j’ai eu le sentiment que face à cette nouvelle adversité, j’ai pratiqué l’aïkido. Comme j’ai pu.

Alors que cette nouvelle année est arrivée et qu’on n’a même pas pu se prendre dans les bras pour s’embrasser, qu’on va durablement se regarder et se saluer à la japonaise, ce n’est pas bonne année que je veux te souhaiter, mais plutôt bon courage, bonne chance. Et si j’avais un seul souhait, véritable, ce serait celui de se décider à être une équipe et qu’on la joue collectif. Petit rappel, c’est pas l’année qui nous fait, c’est – un peu beaucoup – nous qui la faisons. Alors, ou on fait bien 2021ou on mord la poussière.

Pour finir, je voulais te laisser cette phrase ici, glanée je ne sais où et de je ne sais qui, mais qui, à mon sens, mériterait d’être dans le trio de nos mantras.

« Si quelque chose ne te plaît pas, change-le, si tu ne peux pas le changer, change d’attitude »

Prends bien soin de toi, des tiens.

par Emilie Deville

Auteur : Lilian Lloyd

Auteur, metteur en scène, scénariste, comédien, compositeur pas encore mort (1973-2000 et des poussières)

3 commentaires

  1. Merci d’avoir si bien mis en mots les maux de l’année passée. Et comme mantra de l’année, j’aimerai retenir « on s’enlacera toujours et on ne s’en lassera jamais ». Enlacer nos cœurs, nos désirs et nos passions. Ensemble, même loin, même séparés. Prenez soin de vous !

  2. Bonne année Monsieur Lloyd, tout simplement.. L’oubli, c ‘est mieux que la résilience, la rage, la colère ou la haine. Vous êtes sain, ou saint😇😂, alors ne vous posez pas toutes ces questions. Laissez la torture de l esprit aux autres, afin qu ils deviennent un jour peut être ou jamais, Responsables ! Allez on y croit.. Bonne chance

  3. Très heureuse année, mon cher Lilian. BRAVO pour tes voeux que j’adore lire comme tu sais. En effet, tu as très bien mis les mots sur les maux de cette année passée si spéciale. J’espère que nous nous verrons sur les planches ou dans une salle de spectacle ou pire….dans un bar, en France ou en Suisse! Je t’embrasse sans masque:) almo:)

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