Sarcelles – Les Ateliers

Salut la Cie,

Dans le cadre de la résidence 2020-21 que je fais à Sarcelles avec mes deux nouvelles créations « Suivant les pointillés » et « Joyeux anniversaire quand même » (dates de représentations en suspension à tu-sais-quoi), je donne des ateliers au sein des lycées et collèges, sous l’œil de professeurs bienveillants.

L’idée, à l’intérieur de ces ateliers, c’est d’apporter un regard extérieur à ces jeunes sur ce qu’est, du moins, ce que peut être aussi le théâtre. Par-là, j’entends une vision d’un professionnel et non d’un professeur de français qui balance « Le cid » sur la table en leur disant « lisez ». Heureusement, certains comprennent qu’un œil extérieur peut avoir un autre impact. Et puis, il y a Sarcelles et soyons clair, ce n’est pas Saint-Mandé. Ces ados-là, en face de moi, sont nourris aux séries Netflix, aux formats ultra court de leur smartphone et pour eux, le théâtre, c’est un type en toge qui parle un autre langage. Et honnêtement, à leur âge, je pensais la même chose.

On passe déjà de longues minutes à expliquer que le théâtre peut aussi parler d’eux, voire parler comme eux, même si parfois, il me faut des sous-titres, hein, « tmtc » (« toi-même tu sais » pour dire « c’est évident »). Et le message parvient à passer quand on arrive à créer une connexion entre eux, ce qu’ils ont à dire et l’art du théâtre, en mettant à leur portée la manière de bouger, de se tenir, de tenir un silence ou encore de donner à un mot un sens qu’on croyait figé.

Au final, une fois l’ambition de « j’veux être muslim et vivre à DubaÏ » (c’est pas une vanne, je l’ai entendu), petit à petit, plein de choses se mettent en place. C’est sûr qu’il y a de l’énergie et que ça peut partir en vrille rapidement (‘ »sur la tête de ma grand-mère, c’est pas moi qui l’a fait ! »), mais j’ai la chance d’avoir un prof, Adrien, qui sait parler à ces jeunes, avec beaucoup d’intelligence et d’autorité. J’en ai vu, je te jure, m’écrire des saynètes hyper ambitieuses et même très drôles. Je fais ce métier pour transmettre, à tous les publics. Celui-ci, qu’on pourrait vite fait délaisser a pourtant beaucoup à dire, si on lui donne les moyens de le faire et si on le considère.

En tout cas, travailler en milieu scolaire, ces temps-ci, avec tout ce qui se passe et s’est passé, honnêtement, tu regardes les profs autrement. On sent qu’un mot mal placé est une allumette dans une raffinerie de pétrole. D’où, peut-être l’idée, de travailler sur ces mots qu’on vide de sens, souvent. Revenir à la racine, surtout pour eux, qui sont nombreux à être bilingue du fait des origines de leurs parents.

Petite perle avant de finir. L’un des plus brillants ados, qui écrit une superbe scène sur un interrogatoire policier me lance « M’sieur, l’truc qu’on dit quand on parle au public, c’est une parenthèse, c’est ça, hein ? – C’est une aparté – Bah, c’est pareil c’que j’ai dit, c’est parenté, quoi ».

Y’a pas à dire, Tmtc.

Auteur : Lilian Lloyd

Auteur, metteur en scène, scénariste, comédien, compositeur pas encore mort (1973-2000 et des poussières)

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