Le mur blanc.
D’une chambre à l’autre, c’est comme si on déplaçait ce pauvre mur blanc pour venir me faire face. Il reste là, impassible, immaculé, l’air un peu gêné, voudrait presque s’excuser d’être encore et toujours là. Oui, ma bonne dame, si le mur blanc le pouvait, il hausserait les épaules, me livrerait une mine désolée et s’avouerait bien désolé de me voir une nouvelle fois ici. Mais le mur blanc n’a peut-être de vie que lorsqu’on le regarde, comme je le fais présentement.
Il faut le savoir, quand on attend, comme j’attends, comme on attend tous un peu trop longtemps dans ce genre d’établissement, il est nécessaire d’avoir une imagination du genre habitée pour résister. Alors, pour tuer ce temps, celui-là même qui cherche visiblement à me tuer, je communique avec ce mur blanc qui me suit partout. Je peux, à certains moments, me lever et y dessiner des parties endiablées de morpion où je ressors à chaque fois vainqueur. Pour une fois que je peux l’être, d’ailleurs, je ne m’en prive pas. Je peux y projeter quelques films, quelques souvenirs, quelques espoirs.
Il arrive parfois qu’une blouse blanche vienne se mettre entre nous deux. Lorsqu’elle repart et qu’un long silence envahit la pièce, je sens le mur plein de compassion. Oui, ma bonne dame, s’il pouvait, le mur blanc se rapprocherait et me tendrait son grand mouchoir, tel un drap, aussi blanc que lui pour venir sécher mes larmes.
Tu sais, un jour, que j’espère pas si lointain de mes forces, je viendrai là, devant toi, t’embrasser. Auparavant, je n’aurai pas oublié de peindre mes lèvres d’un rouge vif. Tu seras beau, mon mur blanc, et fier, d’exhiber ce baiser d’adieu ardent.
Magnifique !!! j’adore vos textes… je me reconnais tellement dans ce que vous écrivez et décrivez… l’empreinte que la maladie laisse en nous est universelle et je pense que bon nombre de patients se reconnaissent à travers vos textes : en tout cas pensent et ressentent la même chose sûrement … MERCI d’exprimer si poétiquement vos ressentis.