Je l’ai lu. « Connais ton ennemi mieux que toi-même ».
Je l’ai donc invité à ma table. Il s’est bien incrusté de lui-même dans la maison et malgré tous mes efforts, il n’a eu de cesse de revenir, par la fenêtre, par la ventilation, par l’évacuation des chiottes, je ne sais pas. Je ne sais pas comment il fait, mais il revient toujours. Par la cheminée un soir de décembre, j’aurais aimé qu’il apporte des cadeaux pour tout le monde, ça aurait eu de la gueule. Mais non, ce monsieur semble se sentir chez lui, ici.
Oh, on lui a bien demandé ses papiers maintes et maintes fois, sans réponses. Il a fallu faire intervenir les gendarmes en blouse blanche pour qu’on nous signifie son blase. Mais même avec son petit nom, surtout avec son petit nom, il n’a jamais été très sympathique.
Envahissant.
Alors, je l’ai installé, là. Entre quatre yeux.
Bonjour, bonsoir, puisque tu es là, dis ce que tu as à dire et fais ta valise, parce qu’on est complet ici, la maison ne prend plus de réservation et une fois, deux fois, d’accord, mais maintenant, faut s’arrêter, hein ? Honnêtement, tu sais qu’on peut se quitter bons amis ? Et puis, t’as pris ce qu’il y avait à prendre. Ne t’en fais, je t’oublierai pas, tu m’as laissé plus d’une cicatrice. Je ne dis pas que j’ai toujours parlé de toi en des termes sympathiques, mais il faut aussi me comprendre, j’ai le cuir chevelu qui fatigue. Et moi avec. Alors, pour ne pas gâcher la fin de la journée, ni la tienne, ni la mienne, on pourrait se serrer la main et se dire adieu.
Là, tu vois, j’ai plus grand chose pour te nourrir. Et ce que j’ai, ce qu’il me reste, tu saisiras que ce n’est pas vraiment pour toi. Prends ton temps, mais pas trop. Parce que les gendarmes vont revenir et tu les connais, ils ne font pas dans le détail. Tu sais que dans ce cas, on sera mal. On sera mal tous les deux. Et on s’est assez fait de mal comme ça.
Il est temps aujourd’hui qu’on se quitte. Toi et moi, on a fait le tour de l’histoire. On connait. Quand t’es pas là, tu ne manques pas. Et au fond, je ne t’ai jamais aimé, tu ne m’as jamais manqué. Tu t’es trompé. Maintenant, je te souhaite bon courage, je sais que malheureusement, tu as de beaux jours devant toi, mais moi, je vais prendre soin de moi, d’accord ?
D’accord ?
J’ai eu grand plaisir à lire la suite de « La femme debout ». Oui, un énorme plaisir.
Un sujet grave traité avec respect, humour, sensibilité, sans mièvrerie … un face à face étonnant et émouvant.
Superbe !
Que de mots qui résonnent dans ma propre histoire…très lointaine de l’autre probablement mais relié par les mots, les images d’une femme debout, d’un excès de vie, de l’ambiguïté des sentiments, de la présence et de l’absence…et toujours l’urgence à vivre le temps qu’il nous reste…