Je vais dans ce centre de détention avec un entrain certain. Comme si j’allais retrouver de vieux camarades.
C’est assez casse-gueule d’écrire ceci, j’en ai conscience. Nos quatre ateliers, éprouvant pour moi, puisque dans une prison, le cadre de la bibliothèque n’enlevant pas les barreaux aux fenêtres, m’ont permis de mieux comprendre qui j’avais face à moi. Même si leur « pedigree » ne m’a pas été communiqué, j’ai senti, deviné, les actes que certains avaient pu commettre pour arriver jusqu’ici. Au fond, si j’étais intéressé de le savoir pour chacun d’entre eux, ce ne serait pas pour juger, mais parce qu’il y aurait là encore une histoire. Toujours une histoire.
Je ne peux mettre mon empathie de côté, je ne sais pas faire. De toute mon existence, je n’ai jamais pu et ce n’est pas là que j’aurais pu commencer. Les textes qu’ils ont écrits sont drôles, touchants et forts. J’en ai lâché ma plume ces dernières semaines. Nous avons plus de quarante minutes de spectacle à monter mardi ou mercredi. Je suis content, ravi, fier d’avoir été là et terriblement frustré de ne pouvoir aller plus loin avec eux. C’est bien la raison pour laquelle je vais repartir avec leurs textes sous le bras, pour tenter de les faire vivre, éditer.
J’ai eu une réflexion ou deux, ici, sur mon espace, à me dire que je ne devais pas m’attacher à des personnes comme celles-ci. Comme « celles-ci ». Celles-ci ont sûrement été comme moi, comme toi, comme vous. Je le redis, les tenants, les aboutissants, je m’en fous. Ces personnes-là ont été jugées, reconnues coupables. Point barre. Maintenant, place à l’humain. J’en ai rencontré six…
Un détenu, à dix jours d’être libéré, à tenté de s’échapper ce week-end. « Le con », j’entends dire. Je crois surtout que c’est un acte qui dit la difficulté de se réinsérer. C’est sûrement la prochaine question sur laquelle je me pencherai. Avec, j’espère, l’aide de mes nouveaux camarades.
Tu veux dire que le gars qui a tenté de s’échapper c’était surtout pour ne pas en sortir ?!
Clairement…
Dingue. triste. compréhensible… Beau sujet en tout cas.
Tu es tellement dans le juste… tu as compris l’essence.. le sens même d’être là où tu es et eux d’être là où ils sont, comme ils peuvent… dans nos humanités diverses… partagées ! Et je sais que tu vas permettre à ces textes de prendre corps, d’exister au-delà des mûrs, de Murets… pour donner ainsi la vie et l’insuffler là où elle s’est fracassée le temps d’un instant, d’un pas… d’un faux pas… qui probablement ne fallait pas, mais qui a été pour l’histoire qu’il appartient à chacun, sans jugement, mais avec non moins le jugement d’une justice qui se doit de mettre un stop, une halte nécessaire, bienveillante pour autant qu’elle n’en abuse pas au-delà de sa charge qui est de maintenir la paix et la tranquillité dans un société qui sera toujours clopinante. Merci d’avoir entendu… mais je n’en doutais pas !