« … On dit j’ai les boules. Moi, je dis que j’ai la boule. J’avais pas dix piges, j’entendais que mes cris et j’avais le battant dans la gorge qui pétait tellement fort, merde. J’étais là, à taper, à taper, le noir devant les yeux. Je tapais, je sentais la douleur dans mes mains, mais je tapais. Et puis, au loin, c’est apparue, une petite voix, des pleurs et c’est devenu plus clair. T’as le voile qui s’est levé comme on dit et là, sous mes poings, Lui et sa tête, en sang. Ça pissait, dégoulinait de partout. C’est pas difficile, ses cheveux blonds, ils étaient rouges, mais un rouge sale, rouge noir, quoi. Sa gueule était déformée par moi, par la douleur. J’ai fini par m’arrêter, je suis revenu à moi, genre je sors de la transe et j’ai fait un bond en arrière en regarder mes mains recroquevillées, soudées en poing par la rage, par la boule. Je me suis collé au mur, j’ai vu tout le bordel dans notre chambre, tout était renversé. Ma mère était là, elle était là devant la porte, figée, je vous jure, elle bougeait plus, glacée, je sais pas, moi, parce qu’elle avait vu. J’arrivais à peine à respirer, je pouvais pas reprendre mon souffle et je tremblais comme si un train passait à côté de moi, comme ça. Personne bougeait. Ma mère, elle avait vu, elle avait compris. Et puis, elle a réussi à faire le premier pas, à venir vers moi et à me lever en me prenant dans ses bras. J’étais là, nu comme un ver, contre elle. Et lui, là, tout aussi nu au sol, agonisant, Lui. Elle m’a sorti et mis dans une autre pièce en me mettant un drap sur moi. Elle était paniqué et elle est retournée dans la chambre le voir. Lui. Je voulais le crever, mettre ma main dedans et le transpercer. Sur le drap, j’ai vu entre mes cuisses le sang qui coulait, du rouge, mais un rouge sale, un rouge noir. J’ai dégueulé. Mais pas elle, pas la boule, elle est restée. Elle a grandi. Elle est restée. Depuis, j’attends qu’elle sorte.
Sors. Sors que je te tue… »
Puissant.
…