» – Il pleut plus. Avec le soleil qui se lève, c’est un peu toujours comme ça. J’aime bien. J’aime bien l’odeur du trottoir mouillé.
– T’es trop urbaine pour moi, je préfère l’herbe, l’odeur de l’herbe mouillée. Allez, tire-toi.
– A quand ?
– Je sais pas. Tu m’as forcé à écrire, là. C’est pas de ta faute, mais c’est comme ça, il faut que je me vide.
– Me suis occupé des bourses, à ta plume le reste.
– Ça finit toujours par se remplir.
– C’est à ce moment-là qu’on me rappelle, j’ai l’habitude.
– Là-haut, surtout. Mon problème, ces derniers temps, c’est que j’ai eu beau puiser, j’arrive pas à tarir la source. Faudrait que je foute un bon coup de pied et que le puits soit étouffé par les pierres, tout ça. Faudrait que ça s’arrête. Je voudrais ne plus rien avoir à dire, que là-haut, dans l’arrière-boutique, on arrête de vouloir raconter la suite, tout ce qui ne s’est pas arrivé, qu’on transforme la réalité de manière à ce que je ne sache plus ce qui est vrai ou faux. Je voudrais que ça s’endorme. Longtemps.
– C’est la paix, c’est ça, hein ?
– Que je cherche ?
– Ouais.
– Si tu la trouves, ramène-la la prochaine fois, que je vois sa gueule.
– La paix. C’est bien la dernière utopie qu’on partage avec le reste de la planète.
– Tu permets que je te la vole, celle-là ?
– Elle est déjà de toi.
– Alors, tu me sers à quoi si je sais déjà tout ?
– A provoquer un accident, à t’interroger, c’est tout. Allez, je me tire.
*
Tant qui m’échappe. Les gens, les choses, les interrogations, ce qui vient, ce qui n’est plus… les sentiments… Les pas se font lourds dans les sables émouvants et mes espoirs n’ont plus la force de projeter quoique ce soit, n’importe quel petit émoi n’a plus de lendemain. Parfois, à genoux, immobile, j’en viens à souhaiter que ce soit la dérive des continents qui me fasse avancer.
A priori, ça risque d’être long. «