» – Je suis moche.
– Je te l’ai dit.
– J’avais pas fini ma phrase.
– Désolé.
– Non, dis pas « désolé », toi. T’as pas une tronche à être désolé pour n’importe quoi. Tu marches sur les pieds, tu mets un coude dans le nez, tu peux uriner sur les pompes de ton voisin et tu seras pas désolé. Alors, dis pas ça.
– Moche, perspicace et quoi d’autre ?
– Je disais, je suis moche, si tu veux, mais t’as la gueule dévoré par la tristesse. Encore plus quand t’es face à ta photo du frigo. Franchement, je préfère être moche, c’est moins douloureux.
Il ne dit rien. Toi qui lis, que veux-tu qu’il dise, qu’il affirme, confirme ? Tu dirais quoi, toi, hein ? Tu t’es posé la question ? Tu crois que t’as toujours la réponse quand tu lis, tu crois que t’es au-dessus ? Qui te dit que toi, là, pareil, dans le même endroit, tu sors un truc intelligent. Ça va, pas de ça entre nous. Tu sais bien qu’à des moments, on est lâche, on est rien. Alors, t’as le choix, tu la fermes ou tu verses dans le mensonge, dans la mauvaise foi. Mais c’est épuisant. Et lui, là, son verre à la main, il est fatigué. Se taire, c’est comme se terrer, c’est reposant. »