» Je déforme.
J’étire, je malaxe, je pétrie, je coupe, j’arrange. Et tant encore. La vérité entre mes mains est un élément à taille variable, la réalité, une pâte à modeler. A en vivre dans un univers, à s’y enfermer, je me demande de plus en plus si un jour, la corde qui me relie au sapin qui trône dans mon jardin – visible de ma fenêtre – ne va pas me laisser là, dedans. En Moi, en Ça.
Ils se multiplient ces moments où tout se superpose, où je dis ce que j’écris et où ce que j’ai écris me dicte ce que je suis. Ou alors, la voie à suivre. Je touche pourtant ces rubans dans mes poches, cette corde autour de ma hanche. Les jours et les nuits avancent et tracent des sillons sous mes yeux, étirent de longs traits noirs au bord d’eux. Par instants, je me confonds. Ces mots dits, ce sont ceux de l’ombre, pas les miens. A creuser sous elle, je finis par croire qu’il s’agit d’un tunnel.
On ne sait jamais. Les mains noires, les ongles usés par mes dents ou par la terre, c’est peut-être la porte de sortie que j’espère à chaque pas. Peut-on revenir à ce qui est vrai en passant par ce faux avant la faux ?
Je repasse encore par cet endroit que je connais. Je me perds dans ces galeries. Le labyrinthe de ma mémoire qui n’a rien laissé d’origine. Mêmes mots, mêmes personnages, mêmes situations. Et des clés, des morceaux de soi à récupérer, à coller dans le sac en bandoulière. Cette année sera longue alors, une année d’apnée, sous terre, à chercher la sortie dans ces douze textes. Plus que dix. Il va en falloir du souffle pour retrouver le sapin, du mou pour la corde et de l’eau, pour sculpter la terre à mes images.
Je déforme.
Je découvre seulement que c’est réflexif. »