» J’ai souvent voulu qu’il m’arrive quelque chose. Enfin. En réalité, j’ai toujours attendu l’occasion de devenir quelqu’un qui aurait vécu un truc grand. Parfois, j’ai souhaité que le train déraille pendant que j’étais aux toilettes. Je me voyais projeté un peu partout et bien qu’amoché, je sortais vivant des décombres encore fumantes. J’aurais voulu avoir à raconter ça, être le type dont on s’aurait dit qu’il avait vécu l’exceptionnel. Etre personne, comme beaucoup de monde, c’est le quotidien d’un homme qui fantasme à devenir unique en son genre. Quitte à prendre la place d’un autre ou à s’improviser imposteur. Ceux qui se réalisent sont ceux se lèvent avec une idée et qui vont en faire le tour pour la construire. Moi, je réécris deux cents fois la première ligne pour finir de m’atteler à l’échec suivant. Ils m’ont toujours fasciné les mecs qui sont allés au bout de leurs rêves parce que, quelque part, le bout des rêves, c’est le réveil. Comme j’aime dormir, à peu près autant que d’éviter soigneusement de concrétiser la moindre chose dans mon existence, je regarde mes rêves comme un spectateur absolument pas impliqué dans ses images-là. Jusqu’ici, je me suis évité à merveille. Jusqu’ici… »