Même pas en rêves (Scène – Le narguilé)

Denis – Il n’y a que moi qui ai chaud ?
Léandre – Moi, ça me rend la langue pâteuse. J’adore ça, mais ça me rend la langue pâteuse.
Gabrielle – Chochottes.
Viviane – Enfin, en tout cas, vous ne me retirez pas de la tête que depuis Frédéric Quéchuin, on n’a pas beaucoup évolué dans la variété française.

(un temps)

Léandre – Fred Chéchin ?
Viviane – Frédéric Quéchuin !
Denis – Euh, c’est qui ?
Viviane – Ben ! Vous vous foutez de ma gueule ou quoi ? Frédéric Quéchuin, on connaît que lui !
Gabrielle – Viviane, j’ai peut-être pas récupéré de mon K.O., là, mais un Frédéric Quéchuin qui fait de la variété française, ça me parle autant qu’un Jean-Christophe Adam peintre sur toile.
Denis – C’est qui Jean-Christophe Adam ?
Gabrielle – Ben… personne.
Denis – Si c’est personne, comment tu sais qu’il est peintre sur toile ?
Léandre – D’autant que c’est un surréaliste.
Viviane – Faux ! Il est Camerounais ! Et sa spécialité, c’est le saut à ski !
Gabrielle – Depuis quand tu t’intéresses au sport, toi ?
Viviane – Depuis que je l’ai rencontré dans le métro. Il faisait la manche en vendant des biographies de sa tante.
Léandre – Qui ?
Viviane – Magali Caron. La bonne femme qui a crée le truc de physique.
Denis – Quantique.
Viviane – Non merci, j’ai pas soif.
Gabrielle – Vous êtes au courant que vous m’embrouillez tous ?
Léandre – En même temps, on décode grave !
Denis – Ça me revient, il était homosexuel, Jean-Christophe.
Viviane – Pour quoi faire ?
Gabrielle – Il a eu du piston, forcément.
Denis – Oui, enfin, le deux cent mètres, c’est son record personnel et il a demandé de l’aide à personne.
Léandre – C’est qui personne ? Il a triché ?
Gabrielle – Dans l’équipe des nages est-allemandes, je crois, avec Annick à leur tête.
Denis – Elle en fait quoi de leur tête ?
Gabrielle – Demande à Léandre, ça sert d’inspiration.
Léandre – Oui, mais à digérer, c’est l’horreur.
Viviane – Vous êtes tous en train de planer, c’est pas possible autrement ! Annick, c’était un pseudo.
Denis – Moi, je sais pas, je nage que la brasse !
Gabrielle – Et elle s’appelait comment alors, grosse maligne ?
Viviane – J’ai pas son numéro sur moi, je l’appelle demain.
Léandre – Mais qui ?
Denis – Le biographe.
Viviane – Bande de buses ! Annick, vous la connaissez !
Léandre – Quelqu’un m’a appelé, là ?
Gabrielle – J’aurais bien donné ma langue au chat, mais il l’a rend jamais.
Viviane – Annick, Annick, Annick !
Denis – Enchanté.
Léandre – Quelqu’un peut m’éclairer ?
Viviane – Annick ! C’est la mère de ?
Gabrielle – Euh, faut pas dire « merci », c’est ça ?
Viviane – C’est la mère de Frédéric Quéchuin !

(un temps)

Léandre – Il est de retour, lui ?
Viviane – Mais c’est pas possible que vous ne le connaissiez pas ! C’est lui qui a chanté le truc, là !
Léandre – Où ?
Denis – Dans ton cul.
Léandre – Denis, je t’en supplie, c’est déjà assez difficile à suivre, là.
Viviane – C’est lui qui chantait « Même si tu revenais, ne crois pas que rien n’y fera, je deviendrais si tu revenais ! »

(un temps)

Gabrielle – Oh l’autre, mais c’est pas Frédéric Quéchuin !
Viviane – C’est pas Frédéric Quéchuin ?
Denis – Ben non, c’est machin.
Viviane – Ah je connaissais pas ce groupe, là ?
Denis – « Même si tu revenais… »
Léandre – Est-ce que quelqu’un veut un truc à manger encore ? Il me reste des surgelés.
Viviane – Non merci. J’en peux plus de la bouffe étrangère.
Léandre – C’est surgelé, pas étranger.
Denis – « Même si tu revenais… »
Viviane – Ah oui ? Et ça vient d’où ?
Léandre – De mon congélateur. Tu veux que je lui demande ses papiers ?
Viviane – Et il vient d’où ton congélateur ? Il serait pas un peu allemand sur les bords ?
Gabrielle – Pour une fille dont la grand-mère a couché avec des soldats autrichiens, je te trouve bien difficile.
Denis – « Même si tu revenais… »
Léandre – Merde, Denis, tu veux pas la mettre en veilleuse, là ?
Viviane – C’était pour avoir des tickets de rationnement supplémentaires !
Gabrielle – Tu lui as jamais demandé si elle préférait que les mecs gardent leurs bottes ?
Viviane – Je suis pas très fan du ton que tu emploies.
Léandre – Bon, on pourrait faire une pause dans votre conflit ?
Denis – « Même si tu revenais… »
Léandre – C’est moi ou ça fait vraiment cinq minutes que j’ai pas entendu une seule phrase cohérente ?
Gabrielle – C’est pas faux. T’as mis quoi dans ton narguilé ?
Denis – Fred Quéchuin !
Léandre – Ben, il est stupéfiant Fred Quéchuin.

Auteur : Lilian Lloyd

Auteur, metteur en scène, scénariste, comédien, compositeur pas encore mort (1973-2000 et des poussières)

Un commentaire

  1. Mon cher Lilian, je ne peux que te féliciter… on y retrouve le côté déluré et de l’incohérence cohérente qui fait tien !
    Merci pour ce petit moment de détente tout à fait à propos :)
    A bientot ! (si si je te promets hehe :))

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